Léa TODOROV

– Léa TODOROV –

Interview du film « La nouvelle femme »

 
Pourquoi vous avez choisi spécifiquement ces années de la vie de Maria Montessori ?
 

À cette période du film, c’est la jeune femme bouillonnante qui travaille avec les enfants et c’est aussi, pour moi, une façon détournée de pouvoir parler de ces enfants neuroatypiques, du handicap moteur et ça c’est une problématique qui me touche beaucoup puisque ma fille elle-même est une enfant neuroatypique et j’ai commencé à écrire au moment de sa naissance. (…) Je passais ma vie en thérapie avec mon enfant que j’accompagnais d’un cabinet à l’autre et je me suis aussi beaucoup inspirée de l’énergie de toutes les thérapeutes que je fréquentais, entre autre toutes les thérapies un peu hors système qui mettaient une énergie incroyable dans le but d’aider ma fille à acquérir des savoirs fondamentaux comme la marche.

 
Interview de Léa TODOROV, réalisé par Gwendoline BERY, directrice de l’école Montessori « Enfants du Monde ».

Léa TODOROV – Interview du film « La nouvelle femme »

ISMM : Bonjour Lea Todorov et merci d’avoir accepté cette interview pour notre association. Qu’est ce qui vous a conduit à réaliser un film sur la vie de Maria Montessori ?

Lea Todorov : J’ai travaillé sur un film documentaire qui s’appelle « Révolution école ». 

J’ai participé à l’écriture de ce film et  pour cela, j’ai fait beaucoup de recherche sur Maria Montessori et c’est comme ça qu’ensuite, m’est venue l’idée de poursuivre le travail en faisant une fiction sur ce personnage passionnant.

ISMM : Comment vous êtes-vous documentée pour traduire la personnalité de Maria Montessori avec tant de justesse ? Elle apparaît à l’écran, à la fois avec une certaine douceur mais aussi une grande fermeté, comment avez-vous fait pour cerner ces traits de caractère qu’elle possédait ?

Léa Todorov : Je suis tout simplement allée à la bibliothèque, à la BNF sur Gallica et je parle trois langues donc j’ai pu lire en anglais en français et en allemand donc ça aide beaucoup et en italien aussi grâce à Google translate (pour plus de détails voir dossier de presse Ad Vitam). J’ai fait une documentation énorme sur sur la vision, le caractère, le personnage. J’ai à la fois utilisé des biographies mais aussi énormément d’articles et j’ai aussi utilisé des livres de femmes qui ont travaillé avec elle, des livres de ses étudiants…

J’ai vraiment fait une recherche documentaire très large pour en avoir une vision très proche finalement. Elle me devenait très familière et ensuite il y a aussi la bascule avec le travail d’interprétation qui rajoute encore une autre dimension. La manière dont la comédienne s’empare du rôle vient aussi teinter le récit.

Je voulais garder ce caractère assez ferme, assez autoritaire et cette espèce d’exigence . Je ne voulait pas qu’elle soit trop douce et c’est un petit peu ce que j’ai cherché à travailler avec Jasmine Trinca (ndlr : l’actrice qui joue le rôle de Maria Montessori). Je voulais retrouver cette volonté sans faille qu’elle avait pour les enfants et qu’elle leur transmettait, en étant tout le temps dans cette exigence avec eux.

ISMM : Et pourquoi vous avez choisi spécifiquement ces années de sa vie ? Pensez-vous que ces années ont d’une certaine manière façonnées la femme qu’elle est devenue par la suite ?

Léa Todorov : J’avais l’impression que c’était un moment vraiment pivot dans son parcours et c’est aussi en faisant le documentaire que j’ai découvert toute cette histoire avec son enfant. Quand j’ai travaillé sur le film, je n’avais pas encore décidé et c’est au bout de plusieurs années de travail sur toute sa vie que je me suis décidée de me fixer sur cette période-là, qui me paraissait essentielle dans la femme qu’elle est devenue et je pense que c’est aussi des choses personnelles qui ont raisonnées le plus avec mon histoire. Ma mère a elle-même été un enfant abandonné par sa mère pour des raisons assez similaire que celles de Maria Montessori. C’est-à-dire que que sa mère avait envie de sauver le monde peut-être pas comme Maria Montessori, mais en tout cas de vivre son propre destin. Et donc dans le fond, elle n’avait pas le choix. Si elle voulait vivre son propre destin, elle devait abandonner ses enfants et je trouvais qu’il y avait quelque chose là-dedans qui dépasse aussi Maria Montessori et qui nous ramène à l’histoire des femmes.

Donc c’est cela aussi qui m’a beaucoup touché dans cette partie-là de sa vie. Je pense aussi que c’est la partie de la vie de Maria Montessori où moi, je l’aime le plus d’une manière un peu simple mais bon j’ai l’impression que c’est une femme qui s’est aussi beaucoup durcie au fil du temps et qui est allée vers une vision de plus en plus christique même si elle était déjà très religieuse d’une certaine manière. Mais il y a quelque chose qui se rigidifie dans sa pensée.

Alors qu’à cette période du film, c’est la jeune femme bouillonnante qui travaille avec les enfants et c’est aussi, pour moi, une façon détournée de pouvoir parler de ces enfants neuroatypiques, du handicap moteur et ça c’est une problématique qui me touche beaucoup puisque ma fille elle-même est une enfant neuroatypique et j’ai commencé à écrire au moment de sa naissance et donc finalement ce dont je ne m’étais pas rendu compte avant qui est en fait évident maintenant quand j’en parle c’est que parallèlement à toutes mes recherches, je passais ma vie en thérapie avec mon enfant que j’accompagnais d’un cabinet à l’autre et je me suis aussi beaucoup inspirée de l’énergie de toutes les thérapeutes que je fréquentais, entre autre toutes les thérapies un peu hors système qui mettaient une énergie incroyable dans le but d’aider ma fille à acquérir des savoirs fondamentaux comme la marche.

Il y a une femme qui m’a beaucoup inspirée, une éducatrice à l’éducation conductive, c’est une méthode Hongroise de rééducation pour les enfants avec des handicaps moteurs. Ma fille avait un retard moteur assez important donc j’ai passé plusieurs heures par jour avec elle à faire des exercices, ce qui est très proche de ce que l’on voit dans le film et de ce qu’elle faisait. Il y avait une espèce de synergie avec l’écriture de cette partie de sa vie et mon quotidien finalement auprès de mon enfant.

ISMM : Qu’avez-vous voulu montrer à travers ce film en parlant des enfants neuroatypiques mais aussi du désir d’une femme médecin ?

Léa Todorov: Sur les enfants, ce qu’est devenu l’ambition du film, ça a été de montrer qu’en faisant le film on incarnait les principes pédagogiques même. Il y a un lien très fort entre la méthodologie et le film. Je trouvais passionnant de se dire que cette méthode était connue dans le monde entier d’ailleurs avec une réputation qui peut être parfois assez ambivalente d’ailleurs. Le fait que cette pédagogie soit née dans une éducation spécialisée, je trouve que c’est important de le rappeler. Le film raconte cet héritage avec Seguin, Bourneville, Itard, ce sont que des personnes qui ont essayé de faire grandir les plus fragiles, les plus faibles. Seguin était vraiment le maître à penser de Maria Montessori, je l’ai beaucoup lu et j’ai trouvé sa pensée très puissante et vraiment je trouve que ses livres sont encore plus fort que ceux de Maria Montessori sur ce sujet aussi car il développe beaucoup plus la pensée du handicap. Mais surtout car c’est un vrai penseur de la société au regard de l’éducation de ces enfants je trouve, qui démonte dans son discours tous les a priori que l’on a ! Alors que Maria Montessori a repris son héritage, elle va donc construire sa propre pensée à partir de celle de Seguin. Je le trouve vraiment éloquent et il trouve que la pitié doucereuse ou même l’exclusion sont tellement préjudiciables pour ces enfants car Seguin les considère comme des êtres humains à part entière et cela redonne le respect à tous ces enfants.

Dans le film, on peut entendre de la part du personnage de Maria Montessori : « La volonté du maître doit s’imposer ». Pour moi, c’est une manière très positive d’insuffler cette volonté très puissante à ces enfants, sinon ils se referment sur eux et ne vont pas s’ouvrir au monde. C’est aussi un combat politique. On ne pense pas assez à la situation de ces enfants en France aujourd’hui et le désert thérapeutique qui menace leur développement. Je regrette que l’on ne se pose pas la question d’où on est aujourd’hui car la situation n’a pas beaucoup évoluée. Ces enfants ont besoin d’être mis en lumière et que l’on pense leurs places dans la société, plus que la place de Maria Montessori finalement.

Son féminisme est très puissant très riche, cette manière de la nécessité de projeter ce que les femmes font chez elle, ce n’est pas une manière de les réduire que de dire que : les femmes doivent amener dans le monde ce qu’elles apportent à la maison. Ce regard du soin du plus petit auquel on doit faire attention. C’est quelque chose dont tout le monde peut bénéficier dans le monde.

ISMM : Pensez-vous réaliser un autre film sur Maria Montessori ?

Léa Todorov : Non pour le moment, ce n’est pas à l’ordre du jour. En Allemagne, on arrêtait pas de me poser la question! C’est intéressant ! A réfléchir car j’avais travaillé sur plusieurs versions avec divers moments aussi riches de la vie de Maria Montessori. Je me suis beaucoup interrogée. Après pour la trame d’une fiction, il fallait un dilemme que le film allait pouvoir accompagner et cette période choisie, était un grand moment de choix personnel pour Maria Montessori. Mais il y a tant à dire !

ISMM : Merci beaucoup pour cette échange passionnant !

Interview de Léa TODOROV, réalisé par Gwendoline BERY, directrice de l’école Montessori « Enfants du Monde ».

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